Éveil de la Pensée Critique : Une Exploration avec The School of Critical Thinking
Rédigé par Ayyoub El Amrani
Étudiant clinicien à la clinique juridique de la faculté de Droit de Fès (4ème promotion).

Les étudiants participent à une séance sur l'éducation aux médias organisée par le programme de The School of Critical Thinking, où ils sont initiés à la théorie du complot, Avril 2023. Photo: HAF
Expérience :
The School of Critical Thinking est un programme organisé par la clinique juridique de la faculté de Droit de Fès en partenariat avec EntoutesLettes, OpenChabab, et l’observatoire régional du droit à l’information.
Avant le début du programme et dès mon inscription pour ce dernier, j'avais certaines attentes. Parmi celles-ci figuraient le développement des mécanismes et des outils de pensée critique, ainsi que la possibilité de comprendre les problèmes sociaux de manière plus approfondie et d'apprendre à regarder au-delà des apparences, acquérir une meilleure compréhension des conséquences des décisions et des problèmes sur d'autres aspects de notre société, et avoir une opportunité de travailler en étroite collaboration avec mes collègues cliniciens et d'apprendre d'eux.
La formation de School of Critical Thinking a largement dépassé mes attentes. Grâce à cette expérience, j'ai acquis de nouvelles compétences en matière de réflexion critique et j'ai appris à aborder les problèmes sociaux et juridiques de manière approfondie et éclairée. Tout cela à travers les séances organisées par les encadrants Sara El Ouedrhiri et Kenza Sammoud, parfois renforcées par la présence de Hicham Houdaifa, et qui ont abordé des sujets sociaux importants et essentiels pour établir une justice sociale, tels que l'égalité hommes-femmes, la mixité sociale, l'extrémisme, la démocratie participative, la justice climatique et l'immigration. Les débats et les analyses menés par les participants autour de ces sujets, appuyés par une sélection de livres de la collection "En toutes Lettres" distribuée par le programme, ont été enrichissants.
De plus, nous avons cherché à établir des liens avec d'autres disciplines, notamment les sciences juridiques.
Après ses séances dites théoriques, nous avons abordé d'autres thèmes techniques en relation avec l'éducation aux médias, tels que le journalisme, la vérification des faits, les techniques d'enquête et d'analyse des médias et de l'information, ce qui nous a permis d'améliorer de plus nos compétences d'analyse et de critique et de ne plus accepter les informations sans les vérifier pour distinguer le vrai du faux.
Réflexions :
Les réflexions qui suivent ont été inspirées par les séances théoriques de The School of Critical Thinking organisées par la clinique juridique en partenariat avec En Toutes Lettres, Open Chabab et l'Observatoire régional du droit à l'information.
Les séances théoriques abordaient des sujets d'une grande importance pour la justice sociale, notamment l'égalité entre les sexes, la démocratie participative, l'extrémisme, la justice climatique, la discrimination et l’immigration. Elles s'appuyaient sur des ouvrages d'EnToutesLettres tels que "Dos de femme, dos de mulet", "Travailleuses invisibles", "Extrémisme religieux : Plongée dans les milieux radicaux au Maroc", et "Enfance au Maroc : une précarité aux multiples visages".
Tout d’abord, mener une enquête approfondie sur un problème social nécessite une volonté de plonger profondément. S'immerger dans le sujet en s’aventurant sur le terrain est crucial. Cette approche permet une compréhension plus profonde de la réalité vécue par ceux qui sont affectés, établir la confiance, recueillir des informations pertinentes et saisir le contexte local dans lequel le problème survient. Les livres de la collection Enquêtes" En Toutes Lettres sont les meilleurs exemples. À titre d'illustration, le livre “Travailleuses Invisibles” est un cas particulièrement notable.
Chacun des auteurs a choisi un terrain où il a entamé son enquête sur un problème social. Par exemple, Sara El Ouedrhiri et Kenza Sammoud, dans leur partie intitulée "Agriculture : Le quotidien des damnées de la terre", se sont rendues à Inzegane pour nous raconter l'enfer vécu par les ouvrières agricoles à travers les exploitations professionnelles. Ces femmes font face à des situations précaires alors qu'elles cherchent à gagner leur vie et subvenir aux besoins de leur famille, qu'elles soient étudiantes, mères célibataires ou mariées. Le point commun entre elles est leur rôle de pourvoyeuse au sein de leur famille.
Dans la partie de Hicham Houdaifa, l'auteur s'est concentré sur le terrain des "barmettate" (barmaids) de Casablanca. Ces femmes se trouvent à la fois exploitées professionnellement, privées de leurs droits sociaux, et victimes d'exploitation sexuelle de la part des clients et des gérants. Tous ces problèmes sociaux sont abordés à travers des enquêtes, des reportages et des récits simples et documentés, dépourvus d'opinions, de sensationnalisme et de biais. Ils font appel à l'intelligence des lecteurs autant qu'à leur conscience. Cela permet de donner la parole à des personnes dont les voix peinent, voire ne peuvent pas être entendues.
Toutes les composantes de la société sont interconnectées et capables de s'influencer mutuellement, comme un réseau cérébral. Comprendre comment tous les facteurs liés à un problème social interagissent est crucial pour le comprendre pleinement. Cela nous permet de mieux comprendre comment les changements dans un domaine pourraient affecter ceux dans un autre, comme à titre d’exemple et selon la partie de Soufiane Hennani "Les nomades de l’extrême-est : entre le réchauffement climatique et sécheresse politique" du livre "Maroc : justice climatique, urgences sociales.
" le manque de décisions politiques concernant le réchauffement climatique et la sécheresse aggrave la situation, en particulier pour les nomades qui dépendent principalement de l'élevage de bétail. Cela a des répercussions néfastes sur leurs familles et leurs enfants surtout les filles, qui sont privées d'éducation et contraintes à faire des travaux traditionnels comme le tissage de tentes et de tapis en raison des déplacements nécessaires à la recherche d'eau et de zones de pâturage.
L'étude des problèmes sociaux est grandement aidée par l'étude des sciences juridiques parce que les juristes se trouvent souvent en face de questions juridiques controversées ayant une portée large, telles que l'égalité, la liberté d'expression ou la préservation de l'environnement et peuvent fournir des solutions durables qui défendent les droits de l'homme et la justice en appliquant les concepts juridiques et les capacités de réflexion critique. Un exemple est le livre "Enfance au Maroc : Une précarité aux multiples visages" de Hicham Houdaifa, dans la partie intitulée "Exploitation sexuelle : Entre hchouma et justice laxiste".
Cette section aborde des questions d’ordre juridique comme la protection juridique contre l'exploitation des enfants, les lenteurs des procédures judiciaires, les modalités de participation de l'enfant à la procédure judiciaire qui ne respectent pas les normes et les standards internationaux relatifs à la justice des mineurs. De plus, la question du manque de définition des termes et des formes de violences sexuelles ainsi que le statut de victime non reconnu pour les enfants exploités sexuellement dans la prostitution sont également abordés, et comment tous ces éléments peuvent contribuer à aggraver la situation.
Un autre point c’est l'importance de l'histoire dans la compréhension des problèmes sociaux, afin de mieux comprendre comment ces derniers ont évolué au fil du temps et comment les décisions et actions du passé ont affecté le présent. Tout cela pour une meilleure compréhension des problèmes actuels et fournir des remèdes plus durables.
À titre d'exemple, la partie intitulée "Les ouvrières clandestines de Mibladen" du livre "Dos de femme, dos de mulet" de Hicham Houdaifa démontre clairement comment des événements historiques tels que la chute des prix du plomb en 1975 et la fermeture de la société minière française "La Peñarroya ", ainsi que l'abandon du bureau de recherche et de participations minières du village de Mibladen, ont contribué à la situation précaire vécue par les habitants de Mibladen aujourd'hui.
Finalement, pour effectuer un changement positif, nous devons commencer par nous-mêmes. Nous ne devrions pas accepter l'idée que les problèmes existants existeront toujours, au contraire, nous devons prendre l'initiative de faire un changement à travers toutes les moyens et méthodes disponibles que ce soit pour nous-mêmes mais également pour les générations futures, d'où vient l'importance de l'apprentissage et l'amélioration continus de nos compétences, il faut apprendre de nouvelles compétences et connaissances, et nous devons être prêts à sortir de notre zone de confort, et en apprendre davantage même si nous n’allons peut-être pas utiliser ces connaissances directement, pourquoi ne pas être ceux qui les transmettent à ceux qui en ont besoin ?.
Participer à des ateliers et des formations pour développer nos aptitudes et notre réseau avec des personnes partageant les mêmes idées que nous pour apprendre les uns des autres est un élément très important.
“Je me sens heureux et chanceux de faire partie de la clinique juridique de la faculté de droit de Fès, mise en place par @highatlasfoundation en partenariat avec @usmba_fes, qui ne cesse d'offrir à ses membres des formations et des ateliers non seulement dans le domaine du droit, mais aussi dans d'autres disciplines telles que l'entrepreneuriat, la médiation et la gestion des conflits, l’immigration, la pensée critique et les compétences interpersonnelles.”

Interaction des étudiants lors des exercices pratiques du programme de The school of critical Thinking, Avril 2023. Photo: HAF
La Clinique juridique de la faculté de droit - CJFD de Fès a pour objectif d'améliorer le statut des jeunes, des femmes et des communautés sous-représentées en fournissant une aide juridique gratuite et une formation à l'entrepreneuriat comme moyen de s'engager civiquement et économiquement.
Au cours des trois années qui ont suivi son lancement, le programme a formé 369 étudiants (50 % de femmes, 50 % d'hommes) en master et en doctorat de droit pour donner l'aide juridique et faciliter le renforcement des capacités des bénéficiaires dans la région de Fès-Meknès au Maroc. Au cours de cette période, les étudiants cliniciens ont travaillé sur un total de 267 dossiers relatifs à l'entreprenariat, l'immigration et l'asile, la médiation familiale, le soutien psychologique, la traite des êtres humains, l'emploi et l'immobilier. En outre, 256 personnes ont bénéficié de la création ou de la croissance de 39 projets générateurs de revenus suite à la formation et au mentorat en matière d'entrepreneuriat.
Le programme a été établi d'abord comme un projet pilote en 2019 en tant que collaboration entre la High Atlas Foundation et la Faculty of Legal, Economic, and Social Sciences de Sidi Mohamed Ben Abdellah, Université de Fès. De 2020 à 2022, la poursuite du programme et son élargissement pour inclure une concentration sur la promotion de l'entrepreneuriat ont été financés par l'initiative de partenariat États-Unis-Moyen-Orient U.S.-Middle East Partnership Initiative (MEPI).
En 2023, le programme fait l'objet d'une nouvelle promotion afin d'assurer sa continuité et sa durabilité.